"Kapou iparhi i agapi mou"

Amour, pays et souvenirs

Il est de ces jours qui confirment la destinée d’un artiste, qu’il soit chanteur, acteur ou danseur. Le 3 octobre 1959 en est un. Ce jour-là se tenait le Festival de la Chanson hellénique. Revoyons ici le concours qui a révélé Nana à son premier public, la Grèce. Ensuite, mettons à la une la chanson gagnante qu’elle a sortie en quatre langues (en grec, anglais, néerlandais et en français). Et, pour terminer, pourquoi ne pas rendre hommage à son célèbre compositeur qui a lancé la carrière de Nana?

PREMIER FESTIVAL DE LA CHANSON HELLÉNIQUE

Jusque-là, Nana était surtout connue dans la capitale grecque et de ceux qui fréquentaient les clubs où elle se produisait. La télévision n’existait pas encore, mais on entendait régulièrement ses chansons à la radio. Elle avait deux super 45 tours et cinq singles à son actif avec la firme Fidelity.

Comme il pleuvait, le concours a eu lieu dans le grand salon de l’hôtel King George à Athènes. Une vingtaine de jeunes interprètes s’y étaient réunis pour chanter devant un jury. C’était une occasion unique pour eux de se faire entendre à la radio et peut-être de lancer leur carrière. Le compositeur Manos Hadjidakis avait décidé d’y présenter Nana avec une chanson dont il avait écrit la musique et les paroles. Sous sa direction musicale, elle l’interprétait pour la première fois en public. Le titre: "Kapou iparhi i agapi mou" (Mon amour est quelque part). Avec cette romance, Nana remporta le premier prix et en trois mois devint la chanteuse la plus populaire de son pays. On assista donc à un mariage de Nana avec ses compatriotes. Et à son grand bonheur, son père lui pardonna enfin de ne pas avoir complété sa formation en chant classique au Conservatoire.


KAPOU IPARHI I AGAPI MOU

Dans la langue originale, Nana raconte: "Quand les garçons sifflent ou me disent bonsoir, je n’ai rien à dire. Je ne sais pas où ni qui, mais quelque part il y a mon amour. Et si je le trouve, je jure que je vais l’écrire, le ramener aux étoiles." Hadjidakis était très exigeant et veillait à ce que ses arrangements soient suivis à la lettre. La plupart du temps, il faisait ses enregistrements avec son grand orchestre en studio. Cette fois, il accompagnait Nana au piano avec un percussionniste et un xylophoniste. Et, il lui a permis de chanter aussi fort qu’elle le désirait en prononçant: "St'orkizomé" (Je jure). Cela, simplement pour convaincre et émouvoir davantage.

Les Grecs l’ont longtemps identifiée avec cette chanson. D’ailleurs, c'était la préférée de l'ancien président Constantin Caramanlis. À ses débuts, lorsqu'il assistait à ses tours de chant, il la lui redemandait. C’est pourquoi, en 1984, à l'Odéon d'Hérode Atticus, Nana est descendue de la scène pour la chanter devant lui. Ses compatriotes ne l’ont pas oubliée et à l’occasion, la télévision rediffuse sa prestation de l’époque tirée du film "To rantevou tis Kerkyra" (Rendez-vous à Corfou). Si au cours des années, Nana l’a surtout interprétée dans son pays, son réenregistrement de 1963 a fait le tour du monde.

SOMEONE

Le thème en anglais suit celui en grec. Il se résume à: C'est mon amour que je cherche, quelqu'un pour me serrer fort. Et si je le trouve, je le saurai parce que mon coeur me le dira. Piano, xylophone, batterie et trompette créent l’ambiance musicale. L’enregistrement a lieu en 1962 à New York avec l’orchestre de Shelby Singleton. Celui-ci était destiné à un album de chansons grecques traduites en anglais. Il est demeuré inédit jusqu’en 2004. Dans son intégrale anglaise, il a été intégré sur le CD "The Girl from Greece".


GRIEKENLAND

Parue en 1966, "Griekenland", est l’une de ses sept chansons en néerlandais. Comme il s’agit d’une langue que Nana ne parle pas, elle a été entraînée afin de bien prononcer les paroles. Celles-ci ont à voir avec son attachement à son pays: "Où que je sois dans le monde, je suis et serai toujours ton enfant. Je t'aime de tout mon coeur et mon âme. Ma Grèce, je ne t'oublierai jamais". Le jour de l’enregistrement, Les Athéniens se sont joints à Nana avec leurs instruments et leur voix. En 2002, la chanson est réapparue avec d’autres titres néerlandais sur le double CD "The Singles+".

LES BONS SOUVENIRS

En 1972, la version française paraît dans son album "Une voix qui vient du cœur". Le texte de Pierre Delanoë, totalement différent de l’original, fait référence à son pays, à ses amis d’antan. Avec émotion, Nana raconte qu’elle a oublié le temps des misères et les jours sans joie. Sa mémoire est pleine de bons souvenirs. Et, lorsqu’elle est nostalgique, ce sont eux qui resurgissent. L’enregistrement est tout à fait réussi et rien ne laisse croire qu’il s’agit d’une adaptation. Une voix et une guitare suffisent pour nous faire rêver. En 2020, cette chanson servira de titre pour une compilation de chansons grecques interprétées en français.

EN ALLEMAND?

Comme ses premiers disques allemands étaient ceux qui se vendaient le plus et que c’était surtout des traductions de chansons grecques, on peut penser que Nana l’a enregistrée dans cette langue. Peut-être qu’un jour la verrons-nous paraître parmi ses nombreux inédits?

LE COMPOSITEUR

On a souvent parlé de Manos Hadjidakis, le fameux compositeur des "Enfants du Pirée" et le premier supporteur de Nana. Leur première rencontre remonte à 1958. Comme il habitait le quartier Pangrati comme Nana, il racontait l’avoir entendue chanter un jour sous sa fenêtre. Charmé par sa voix, il la convia chez lui pour lui proposer des chansons. Pour lui, il n’y avait aucune chanteuse en Grèce qui pouvait mieux les interpréter qu’elle. Grâce à lui, son répertoire s’est enrichi et elle a commencé sa véritable carrière.

CE QUELQU’UN

"Kapou iparhi i agapi mou", l’une des premières chansons de Nana, représente le début de quelque chose et évoque l’avenir avec espoir. Elle a été composée en fonction de son âge. À cette époque, en Grèce, toute jeune fille rêvait de rencontrer l’homme de sa vie et de se marier en robe blanche. Mais aujourd’hui, connaissant le parcours de Nana, on peut l’interpréter comme le désir d’être aimée et la conviction que cela se réalise. Ce quelqu’un pouvait être tout simplement le public.